Règles générales

Vérification d’une lettre par un enfant

« Pour une lettre allongée comme un vav et un zaïn, ou pour tout jambage interrompu ou autre cas similaire, si un enfant pas particulièrement instruit ou bête identifie la lettre, elle est valide, sinon elle est disqualifiée. »


ChoulHane ArourH - Sm. 32 - Sf. 16

La validité d’une écriture manuscrite sur parchemin dépend d’un grand nombre de facteurs, certains physiques - dégradation du support ou de l’encre - d’autres humains car dépendant de l’expérience du scribe. Lorsqu’on sait qu’une lettre mal formée suffit à invalider tout un texte - Sifrei Torah, tefillin et mezouzot - il devient primordial de trouver une méthode permettant de s’assurer de la conformité d’une lettre devenue douteuse par le temps ou parce que incorrectement écrite.

Cette méthode est simple. Elle se base sur la reconnaissance immédiate de cette lettre par un enfant (Tinok shelo chacham velo tipesh – תינוק שלא חכם ולא טיפש). C'est une méthode halakhique utilisée pour déterminer si une lettre d’un texte sacré est valide - kasher ou invalide pasul.
Cette vérification est mentionnée dans plusieurs ouvrages halakhiques, notamment dans la Michna Beroura et le Kesset Ha-Sofer.

  • Sur une lettre déclarée valide il n’est pas nécessaire d’y apporter la moindre correction (C’est ce qui est écrit dans la Michna Béroura, bien que pour le Mikdash Méat, il serait bon de la rectifier afin d’éviter une nouvelle vérification qui pourrait elle se révéler infructueuse).
  • Une lettre douteuse - quelqu’en soit la raison - et non reconnue par un enfant est invalide. (C.A. Sm.32 Sf. 16. M.B. Ibid. Ot. 45 et 52, M.S. fin de la lettre Tav, Mikdach Méat ibid. Ot. 55. Kol Yaakov ibid. Ot. 63).
  • Avant demander à un enfant, on vérifiera d’abord s’il sait lire et reconnaitre les lettres, afin qu’il n’invalide pas sans raison lorsqu’on le questionnera sur un caf final ressemblant à un rech ou un noun final à un zaïn que beaucoup d’enfants confondent.
  • L’aspect d’une lettre peut varier en fonction du style de chacun. Si l’enfant reconnait une lettre de par sa forme intrinsèque ou de par le style d’écriture des autres lettres, l’identification est positive. C’est pourquoi, il vaudra mieux ne pas cacher les autres lettres afin qu’il puisse s’imprégner du style d’écriture. Si l’on masquait le reste du texte et que l’enfant ne reconnaisse pas la lettre puis qu’on refasse l’expérience sans rien cacher et qu’il réponde cette fois correctement, la lettre douteuse serait déclarée valide. (Mikdach Méat - Sm 32 - Ot. 57).
  • L’enfant sur lequel on se basera pour valider une lettre ne devra être ni intelligent ni bête. “Intelligent" signifie qu’il comprend ce qu’il lit et peut en expliquer le sens. Mais s’il est simplement capable de reconnaitre la forme des lettres et de les nommer, on ne le considéra pas comme étant intelligent. On exclu l’enfant intelligent car il pourrait deviner le nom de la lettre incriminée de part le contexte ou la signification du mot dans lequel elle est utilisée.“Bête” signifie qu’on ne puisse pas tenir compte de son avis pour invalider une lettre même s’il ne l’a pas lu comme il faut.
  • Lorsqu’on a dit plus haut qu’on ne s’appuiera pas sur l’avis d’un enfant intelligent pour valider une lettre, si un tel enfant (ou un adulte) voyait la lettre douteuse de manière à ce qu’il ne puisse pas connaitre le contexte - en lui cachant toutes les autres lettres par exemple - on pourra s’appuyer sur son avis mais il vaudrait mieux éviter cela de crainte qu’il invalide la lettre parce que ne disposant pas du style d’écriture ou parce que la lettre est difficilement visible du fait du masquage ces autres lettres (Mikdach Méat - Ot. 57).
  • Si l’enfant ne reconnait pas immédiatement la lettre ou se trompe mais qu’ensuite il se reprenne et la reconnaisse, on se basera sur son dernier avis sans qu’il soit nécessaire de la montrer à un autre enfant. (Daat Kédochim - Sm. 32, Ot. 18 et Mikdach Méat ibid. Ot. 53).
  • Si plusieurs enfant on vu la lettre douteuse et que leurs avis divergent, on se pliera à l’avis de la majorité (Kol Yaakov - Ot. 67 - Michnat Soferim p. 51 - Eara 9). Si d’après la majorité, la lettre était jugée défectueuse, on ne la montrera pas à d’autres enfants pour changer cette majorité (Mikdach Méat - ibid. 53).
  • On s’appuie sur l’avis d’un enfant pour statuer sur la validité d’une lettre douteuse quant à ses dimensions ou forme générale. Mais si d’après notre propre avis, les dimensions ou la forme générale n’était pas respectées faire appel à un enfant sera inutile et la lettre sera déclarée invalide d’emblée (Mikdash Méat - selon l’avis du Darké Noam dans ses responsa).

    En voici quelques exemples:
    • un vav ou un zaïn au jambage aussi court qu’un youd,
    • un bet aux coins arrondis comme un caf,
    • Un lettre non formée d’un seul tenant (hormis le hé et le kouf),
    • Un élément normalement séparé et qui ne l’est pas, comme le pied d’un kouf touchant le toit,
    • Un youd qui n’est qu’un simple trait sans tête,
    • Un manquement à une lettre comme la pointe sur un youd,
    • Un ajout non conforme comme une quatrième branche sur un chin.
    D’après certains décisionnaires, s’appuyer sur l’avis d’un enfant est encore possible même si selon notre avis la lettre est défectueuse. Si le défaut n’était pas rectifié la lettre serait sans conteste invalide. Toute correction est soumise à la règle de chronologie d’écriture et à l’interdiction de sculpter.
  • Aux endroits on l’on constate un léger défaut sans que cela nous fasse douter de sa validité - un bet avec un trait très fin sur la gauche allant de la base jusqu’au toit mais séparé de la lettre ou un vav dont la tête est carrée mais dépassant des deux côtés du jambages - et qu’il soit évident que ce léger défaut n’empêchera pas un enfant de lire la lettre correctement, il ne sera pas nécessaire de faire cette vérification. Cependant, si malgré tout un enfant lisait un mem final ou un zain, le lettre douteuse serait considérée comme invalide car l’avis de l’enfant prime sur celui d’un adulte et qu’en vérité ce défaut est suffisamment important pour tromper (Mikdash Méat - Ot. 54).

Qui peut vérifier ?

La Halakha précise que l’enfant doit être :

  • Ni trop intelligent, ni trop naïf (lo chacham velo tipesh – לא חכם ולא טיפש).
    • S'il est trop intelligent, il pourrait essayer de "deviner" la lettre en fonction du contexte du mot.
    • S'il est trop naïf, il pourrait ne pas bien identifier les lettres correctement.
  • Âge idéal - Environ 5 à 6 ans, âge où un enfant commence à reconnaître les lettres mais ne sait pas encore bien lire.

Comment procède-t-on ?

  1. Présenter la lettre isolément :
    • L’enfant ne doit pas voir les autres lettres ou le contexte du mot, pour éviter toute influence.
    • On peut masquer les lettres environnantes avec un papier ou un cache.
  2. Lui demander d’identifier la lettre spontanément :
    • L’enfant doit répondre sans hésitation.
    • Si l’enfant identifie immédiatement la lettre correctement, elle est kasher.
    • S’il hésite ou donne une mauvaise réponse, la lettre est pasul et doit être corrigée.